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Leto - Partie I - Vanité

Une première ébauche du roman que j'écris. Quelques passages sont susceptibles de changer mais cela vous donne une idée de l'ambiance ... et du personnage. Comme je le dis, Leto n'est pas quelqu'un de bien. Mais il ya des jours où j'aimerais être aussi insensible et égocentrique qu'elle, haha

Partie I - Vanité II

L’aube est déjà là. Que cette nuit a été courte. Je voudrais pouvoir fermer les yeux mais les souvenirs sont trop présents.


Les ouvriers ont travaillés jusque tard pour finir les derniers préparatifs. Les festivités vont commencer dans quelques heures.


Voilà plusieurs semaines que toute la ville s’affaire. Le chant des oiseaux nocturnes a été remplacé par le bruit des marteaux et les voix des ouvriers. De ma fenêtre j’observe la foule qui grouille dans les rues. Les gens sont heureux, ils finissent de monter leurs étals, décorent les portes de leur maisons et parlent de moi. Je suis partout dans la ville, dans les esprits, dans les conversations. Je suis le centre de leur monde étriqué et terne. Ils m’attendent, ils m’espèrent, ils m’adorent.


Vois petite sœur, vois combien ils m’aiment ! Moi et uniquement moi !


Si ils savaient combien leurs rires gras et leurs voix criardes me donne envie d’enfoncer mes doigts dans leur gorge et de leur arracher la langue, surtout celles des marchandes qui hurlent si tôt le matin sur la place du temple. Elles vantent la fraîcheur de leurs produits, riant à gorge déployé à de stupides plaisanteries, si vulgaires, si laides. Qu’elles s’étranglent avec leur poissons et leurs légumes minables !


Un gamin a pointé ma fenêtre. Il m’a aperçu derrière les voilages et un groupe s’est précipité au bas de la tour, bras tendus, m’acclamant, réclamant ma bénédiction. J’ai passé ma main à travers le voile et leur ai fait un signe. Une des vieilles en est tombée en extase et a failli écraser le gamin dans sa chute. Ces gens sont si bêtes, si manipulables, aveuglées par ma lumière. Si je leur demandais de s’allonger sur le sol pour que je leur marche dessus, ils le feraient. Non seulement ils le feraient mais ils en seraient honorés.


Ils m’aiment tant …


Ceux qui nous méprisait jadis rampent à présent à mes pieds. Oh, petite sœur, tu ne connaîtras jamais le délice de voir ces hommes, si forts, si courageux tomber à genoux devant toi ! Jamais ils ne verseront leurs larmes pour toi, jamais leur voix ne prononcera ton nom avec autant de ferveur.


Tout ce que j’espère c’est qu’ils sauront maîtriser leurs émotions et sauront accomplir leur tache sans faillir. Ce serait fâcheux … pour eux.


Au pied de la cathédrale s'accumulent leurs offrandes de papier. Cela fait des semaines qu'ils fabriquent de véritables objets en papier plié, redoublant de talent pour dépasser celles de leurs voisins. Ce soir les grands feux seront allumés et ils y brûleront leurs créations en offrandes aux défunts.


Dire qu’au début ils brûlaient juste un dessin ou un mot représentant l'objet à envoyer à leurs disparus. Cela a bien changé. L’année dernière une famille avait réussir à plier un cheval si gros que lorsqu’il s’est embrasé, il a failli brûler l’officiant. Un cheval … Quelle idée stupide. Les morts n’ont pas besoin de montures. Ils ne sont que poussière, tout comme mère. Si ça continue, ces imbéciles finiront par brûler un véritable animal et ça ne serait pas bon pour notre image.


Il faudra que j’en touche un mot à l'odarque.


III


Deux coups frappés à la porte la firent sursauter. Elle rajusta son masque et s’écarta vivement de la fenêtre.


« Voici le jour venir, Ô Voix de notre Déesse. Bénis sois sa grandeur. Es-tu prête ? » Fey Ralith apparu à sa porte. Son regard aux reflets jaunes la jaugeait d'un air moqueur. « Ils t'attendent... » Sa voix suave et son sourire froid la rendait nerveuse. Leto serra instinctivement ses bras autour d'elle et se détourna. Il était le seul à s'adresser à elle ainsi, le seul à la regarder, le seul à savoir.


Leto alla s'asseoir dans l'une des bergères à coté de la fenêtre, essayant de contenir le bouillonnement d'émotions contradictoires qu'elle ressentait en sa présence. Haine, dégoût, reconnaissance, peur. Elle tourna son visage en direction de la fenêtre, regardant la brise jouer avec les fins rideaux blancs.


Ralith s'était approché et avait jeté un œil en bas, l'air satisfait.


Le soleil était à peine levé. Au pied des marches qui menait au temple, une foule d'hommes de tout ages, se tenaient en rang, bombant le torse la tête haute, se jaugeant les uns les autres. Ils attendaient avec impatience qu'on finisse de lire leur lettres de mérite. Tous espéraient avoir l'honneur d'être désigné pour porter son palanquin à travers la ville. Chaque village, chaque hameau à des lieux à la ronde avait envoyé son meilleur homme pour le représenter. On venait des quatre coins de la province pour assister à cette procession. La plus importante de l'année. La foule s'était déjà installée tout le long du trajet. On jouait des coudes pour trouver la meilleur place, celle qui permettrait de se faire remarquer. L'espoir et l'impatience se lisait dans leurs yeux fiévreux. Il n'y aurait que peu d'élus.


« Il y a encore plus de monde que l'année dernière. Beaucoup de malades et de miséreux qui espèrent t'entendre chanter.» Il se mit derrière elle, les mains sur ses épaules et la massa avec douceur.


Elle senti un petit frisson lui parcourir le dos. Ses doigts sur sa peau la brûlait. Elle luttait pour ne pas se soustraire à ce contact. « Je commencerais par l'Ouverture des Portes de l'Ombre. Je sais que c'est l'une de vos préférées.»


« Très bon choix. Fini de te préparer. Tu as du monde à sauver. » Il eut un petit rire acide. « N'oublie pas que nous ne sommes pas que le Jour du Grand Pardon... » Sur cette remarque, il tourna les talons et sorti.


IV


Comment pourrais-je oublier ? Ils ne savent pas que cette journée est une torture pour moi. Alors que ce jour est devenu une fête pour eux, les ombres du passé mettent mon âme à la torture !


Ce jour là....Combien de temps a passé déjà ? Presque deux décennies... Cela me semble si loin et si proche...


Si tu avais été là petit sœur... Le soleil brillait sur les ruines fumantes de la ville. Aucun chant d'oiseaux, aucun murmure. Un silence lourd et poisseux, presque palpable. Puis le fracas du métal, les hurlements et le bruit des corps qu'on déchire. Tu aurais vu ce soldats de fer traçant son chemin à travers les rues encombrées et les maisons à moitiés détruites. Il était là, brillant dans le soleil du petit jour, son armure de métal couverte de sang et de restes humains. Il fut le premier.


Toi et tes couteaux volants n'auriez pas réussi à entamer leur épaisse carcasses de métal. Tu aurais fini comme ces idiots qui se pensaient si forts. Il ne t'aurait pas écouté non plus. Aucun d'eux après lui ne l'aurait fait. Ils n'écoutaient que moi …


J'imagine ton visage déformé par la terreur alors qu'une de ces monstruosité s'avancerait vers toi, le pas lourd, faisant trembler le sol et dans un nuage de vapeur brûlant te saisirait pour une dernier danse funèbre. Tu m'aurais supplié, tu aurais hurlé mon nom. T'aurais-je sauvé ? Non... bien sûr que non, tu le sais très bien. Ton sang aurait recouvert ces ruines où se dresse à présent mon temple.


Ce jour là qu'ils disent que je suis devenue Sa voix … Si ils savait ce que j'étais juste avant ça …ce qu'il m'a fait … Non … Je ne veux plus y penser !


Oublie ! Oublie ! Ils t'attendent ! Pense à leurs sourires béats, leur regard implorant quand d'un geste tu les désignera. Pense à leurs suppliques, leur cris de dévotion. Un seul signe de toi peut changer leur destin.


Tu es la Voix de la Déesse et nous sommes le jour du Grand Pardon.


V

Sa tête commençait à lui faire mal. Elle sentait son cœur battre dans ses tempes. Les souvenirs de ce jour la hantait. Elle se leva d'un bond et tira le cordon de la sonnette qui se trouvait près de la porte.


Le bruissement du tissu des jupes de ses deux suivantes se fit entendre. Deux femmes apparurent à la porte. Vêtues à l’identique d'une longue robe blanche et d'une coiffe dorée, elles se déplaçaient à petit pas rapides et silencieux. Comme deux automates, elles sortirent les vêtements de la garde robe de Leto et les placèrent sur une chaise près d'elle.


Leto les observa avec curiosité. Leur visage à demi caché sous un rideau de perles qui leur masquait les yeux ne laissait voir que la partie basse de leur visage. L'une avait un nez un peu trop gros et des lèvres pleines qui tremblaient légèrement. La seconde avait un nez plus arqué et une large tache de vin qui lui mangeait une partie de la joue. Ses gestes n'était pas très assurés et elle semblait tâtonner. Celle là était nouvelle, à n'en pas douter. Leto senti un sourire mauvaise s'étirer sur ses lèvres.


Elle défit le nœud de son peignoir et le fit glisser à terre puis s'avança vers le centre de la pièce, ne portant qu'une mince chemise de dessous qui laissait entrevoir ses formes. Puis elle fit sonner une petite clochette qu’elle portait en bracelet.


Presque instantanément, celle au nez épaté se précipita vers elle, lui tournant autour à petits pas comptés, faisant glisser ses doigts agiles sur sur son corps pour l'habiller. Tous ses gestes étaient mesurés, exécutés avec rapidité et précision. La seconde un peu en retrait lui passait pièces de lingerie et vêtements au fur et à mesure


Du pied, Leto tira lentement son peignoir toujours à terre, veillant à garder la même position. Elle le poussa juste au moment où la femme à la tache de vin passait devant elle. Elle eut un petit cri et fit deux pas avant de basculer en avant. Sa tête se cogna dans un bruit sourd contre le marbre d'un petit guéridon.


Sa coiffe roula à terre découvrant un visage aux yeux morts, empreint de terreur.


L'autre suivante eut un instant de flottement, mais continua consciencieusement à boutonner le dos de Leto.


Le femme à la tache de vin tata le sol autour d'elle, cherchant en vain son couvre chef. De son menton coulait un flot de sang qui se rependait en larges taches carmin sur la blancheur de sa robe. Elle s'en redit soudain compte et pressa sa main contre sa peau, essayant de contenir le sang puis se jeta à terre pour se confondre en excuses. Elle tremblait de tout son corps.


A nouveau on frappa à la porte. Un laquais à l'allure raide entra, le visage baissé.


« Veuillez m'excusez, votre grâce, mais j'ai entendu un cri. » Sans relever la tête il avisa la servante à terre.


« Tout ce sang...» La voix de Leto n’était qu'un souffle. Elle porta la main à sa poitrine dans un geste d'horreur calculé.


L'homme pâlit. C'était la première fois qu'il entendait le son de sa voix. Il avait l'impression d'avoir bravé un interdit. Il glissa son regard vers la flaque qui se formait au niveau du visage de la femme. Horrifié, il s'inclina encore plus profondément et souleva avec brusquerie la pauvre servante qui continuait à prier et s'excuser et la poussa hors de la pièce, aboyant des ordres à un interlocuteur invisible. Il s'en suivit des conversations confuses dans le couloir. Puis deux hommes entrèrent le regard rivé au sol. Ils roulèrent le tapis imbibé de sang et le sortir. Une femme entra à son tour, et se jeta presque à terre pour frotter frénétiquement le plancher, effaçant ainsi toute trace. Puis elle repartie aussi vite qu'elle était entrée, laissant la place à un couple qui s'empressa de dérouler un tout nouveau tapis.


La scène avait duré à peine quelques minutes et mis à part la couleur du tapis c'est comme si rien n'était jamais arrivé. Quand le calme fut revenu, la seconde suivante de Leto s'inclina et pris congé, marchant à petits pas hésitants vers la porte.


Leto s'assit alors. Elle ferma les yeux et eut un petit rire satisfait.


Un autre rire lui répondit, léger et cristallin. Un adolescent aux traits androgynes et cheveux blancs comme la neige se tenait à coté d'elle. Il posa un regard tendre vers elle et alla fermer la porte de ses appartements à clé. Leto se leva et le laissa la conduire jusqu'à une large alcôve au fond de la pièce. Il l'aida à s'asseoir devant une coiffeuse dont le miroir fixé au mur était caché par un rideau pourpre. De part et d'autres, deux grands meubles aux formes sinueuses, formant des lianes entrelacées était rempli de renfoncements de diverses tailles où trônaient de majestueux masques ouvragées.


Sans lui demander, il retira prestement le masque que portait Leto et le posa sur son socle. Elle s’était légèrement raidie mais le laissa faire. De ses mains gantées de noir il lui présenta un autre masque, tout d'or et de perles dont les motifs complexes et intrigants brillaient sous les rayons du soleil du matin. Leto passa son doigt sur le métal. Il était froid et dur. Elle hocha la tête et le laissa le lui enfiler.


Une fois l'opération terminée, Leto se leva et fit quelques pas, tournant sur elle même, ajustant sa robe et sa coiffe. Elle se sentait belle. Elle se sentait puissante, prête à fendre la foule sale et criarde qui l'attendait en bas.


Elle déverrouilla la porte et l'ouvrit. Deux gardes en grande tenue l'attendaient. Ils s'inclinèrent et la laissèrent passer. Elle s'avança jusqu'au bout du couloir et fit un temps d'arrêt pour s'admirer dans le large miroir qui était placé en face des escaliers.


Dans le salon, l'adolescent avait disparu.


VI


Sur le chemin qui menait à la grande nef, elle sentit battre son cœur. L'excitation la gagnait à son tour. Son escorte avançait trop lentement à son goût mais elle devait rester digne. Arrivés à une porte qui donnait sur l’arrière de l'autel, ils firent une nouvelle halte. Les hommes lui ouvrirent le passage et elle s'avança vers un escalier qui menait à l’arrière l'autel. L'odarque De Hani l'attendait en haut des marches. Il était l'un des rares élus à être autorisé à converser avec elle et se faisait messager pour le reste des adeptes du culte kormique. Il en retirait une grande fierté mais aussi une grande nervosité. Les musiciens et le chœur étaient déjà en place de part et d'autre de la nef, assis derrière de larges colonnes de marbre blancs. L'homme leur fit un signe et ils se mirent à jouer une lente marche qui résonna mélodieusement sur les murs. Partout étaient disposés des bouquets de fleurs blanches au parfum suave dont la blancheur éclatante paraissait se réfléchir sur les murs de pierre claires.


Arrivé à sa hauteur, Leto se plaça au centre de l’estrade et embrassa l'immense salle du regard. On avait fait rajouter des sièges de part et d'autres de l'allée centrale et même dans les loges des qui surplombaient la nef, mais elle savait que cela ne suffirait pas à contenir la foule qui était dehors.


« Ô Voix de notre Déesse aimée, grande prêtresse en ces lieux, votre humble serviteur vous salue. C'est une grande journée et le temps est magnifique pour la procession. J’espère que vous... »


La voix de l'odarque la fit sursauter. Elle balaya ses salutation et lui tendit la main. Le petit homme émit un petit rire nerveux et bredouilla des excuses. Il tira de sa manche une feuille de papier qu'il lui remis. Petit, la peau olivâtre, presque chauve et chaussé de lunettes aussi rondes que son visage, il avait un aspect jovial et sympathique qui contrastait avec sa tunique à haut col empesé, couverte de larges broderies d'or. Leto se demandait toujours en le regardant comment il pouvait transpirer autant sans mourir de déshydratation. Heureusement, le parfum des fleurs couvrait son odeur fauve.


Elle déplia la lettre, et la lu attentivement. L'un des point fort de la procession était la grâce des condamnés à mort. Et chaque année ou presque, une famille influente faisait une grosse donation à l'ordre pour un petit service. Le Jour du Grand Pardon avait été pensé ainsi. Elle relu plusieurs fois la lettre, gravant la description de l'heureux élu dans sa mémoire et la brûla à une des bougies qui éclairait la lieu.


L'odarque s'était placé au bas des marches, attendant un signe de sa part pour pouvoir commencer la cérémonie. Leto rajusta une dernière fois son masque, lissa sa robe et lui fit un bref signe de tête.


La lourde porte s'ouvrit, laissant entrer un flot de lumières dans le temple. Deux rangées d'adeptes, tout de pourpre vêtus entrèrent, encadrant six hommes au regard émerveillé. Leurs larges épaules et leurs mains calleuses indiqua tout de suite à Leto que ces hommes n’étaient pas de la haut noblesse, même pas des bourgeois. L'un portait une veste qui bien que propre avait vu passer des jours meilleurs, un autre avait un pantalon trop court qui laissait ses chevilles. Probablement encore des pauvres ouvriers méritants qui croyaient à sa force divine. Ils s'agenouillèrent au cœur de la nef. L'odarque De Hani les appela un à un par leur nom, les invitant à s'incliner devant Leto et décrivant les mérites qui les avaient fait élire par leur communauté pour avoir l'honneur de porter son palanquin.


Derrière son masque Leto essayait de ne pas fermer les yeux. L'odeur des fleurs était pénetrante, la plongeant dans une douce torpeur. Elle se tenait immobile, la tête droite, surplombant l'assistance telle une statue vivante. Sa vue rendait nerveux les hommes qui défilaient devant elle. La voix de l'odarque monta de plus en plus, enflammé, il leva les bras au ciel, scandant le nom de la grande Déesse. Leto sursauta légerement, mais nul ne la remarqua. On apporta enfin de le palanquin qui fut déposé au pied des marches. Leto déglutit sous son masque. Il était immense, tout d'or et de pourpre, où s'épanouissait de larges fleurs de nacre blanche, mais ce qui la mettait mal à l'aise c’était ces personnages sculptés dans un métal cuivré, représentant des hordes de soldats de fer écrasés sous le poids de son trône. Elle détourna les yeux et descendit avec grâce et une lenteur solennelle les marches de l'autel.


Les six hommes se placèrent autour du palanquin et le soulevèrent en douceur. Elle s'agrippa légerement à son siège maudissant les officiels qui n'avaient pas pensés à prendre des hommes de la même stature. Son palanquin penchait un peu à droite, mais il était trop tard pour changer la place des porteurs.


Dehors, les rues avaient été dégagées pour laisser place à la procession. Une dizaine d'enfants ouvrait la marche, lançant des pétales de fleurs blanches qui tournoyaient dans la brise. A leur suite le cardinal brandissait fièrement la bannière de l'ordre, accompagné de deux colonnes de femmes et d'hommes au visage encapuchonné, vêtus de robes pourpres qui scandaient des prières à la gloire de l'incarnation divine qu'elle était. Le lourd palanquin fermait la marche suivi de plusieurs gardes.


Leto s'accrochait fermement aux accoudoirs de son trône. Les hommes qui avaient été choisis avaient beau être robustes, ils commencèrent à peiner à mi parcours. Elle résista à l'envie de leur hurler de s'arrêter pour la faire descendre et se concentra sur les visages et les mains qui se tendaient vers elle. C'était son moment. Celui où elle pouvait montrer sa toute puissance.


Elle balaya la foule du regard et d'un geste de la main, désigna une femme au visage grêlé par la maladie, puis un homme au corps lourd et aux bajoues pendantes.. Derrière elle, les gardes les firent sortir de la foule et ils suivirent son palanquin, rendant grâce aux cieux et chantant ses louanges. Elle continua à désigner les bienheureux qui auraient l'honneur d'écouter son chant divin au plus proche d'elle. Deux femmes aux allures de perche sèche vinrent rejoindre les rangs. Leto se sourit à elle même. Plus elle les choisissait laides et miséreuses, plus elle se sentait belle.


A sa droite, un père soulevait sa fille malade a bout de bras, l'implorant de la choisir. Leto hésita, la fille était pâle, presque aussi pâle qu'elle. Des images du passé tourbillonnèrent dans sa tête. Elle retint sa respiration et désigna au hasard un jeune garçon sur les épaules de son père. L'homme qui portait sa fille à bout de bras poussa un cri déchirant, mais le palanquin était parti. Il serra sa fille contre lui, tentant de se frayer un un chemin jusqu'à elle mais la foule compact l'en empêcha. Le palanquin était à présent sur la grande place.


Les hommes qui la portaient étaient en nage, à bout de souffle. Elle pouvait voir leurs veines violacées gonflées et leur visage écarlate. Ils tremblaient sous l'effort mais tenaient bon. Leto se leva et embrassa la foule du regard. Face à elle on avait placé une dizaine de prisonniers, à genoux, les mains jointes dans une attitude de soumission largement feinte. Autour d'eux, les familles attendaient dans l'angoisse et l'espoir.


L'heure du Grand Pardon approchait.


Elle avança jusqu'au bout du palanquin et les examina avec attention. Parmi eux se trouvait le fils d'une famille aisée de la région. Elle se souvenait avoir lu dans une des gazette qu'il avait été condamné à mort après avoir tué le mari d'une de ses conquêtes. La famille n'avait pas réussi à acheter le silence des témoins et il ne leur rester que le pardon divin pour sauver leur unique héritier.


Restait encore à Leto à trouver lequel était le bon. Tous avaient le crane rasé, la tête baissée et portaient la même chemise en lin sale. Elle ferma les yeux se remémorant mentalement la liste des détails physique qui devaient l'aider. Mais à cette distance, il lui était impossible de savoir lequel avait un grain de beauté sur la joue et une cicatrice sur la main gauche. Le temps était suspendu à sa parole. Elle senti le poids de tous ces regards sur elle. Ils attendaient, le souffle court qu'elle décide qui vivrait et qui mourrait. Elle n'avait droit qu'à deux choix.


Derrière elle, elle entendit une clameur monter. Les gardes qui assuraient sa protection se retournèrent pour faire face à toute menace. Le père avait réussi à passer. Il courait vers elle, son enfant dans les bras, l'implorant de la choisir. Un des gardes le mis à terre et l'enfant roula sur le sable de la place sous les hués de la foule. Il fallait réagir sinon la procession risquait de dégenerer. Elle leva la main et se rassit sur son trône. De Hani apparu aussitôt à ses cotés. On lui apporta un petit escabeau pour qu'il puisse se mettre à sa hauteur et prendre ses instructions


« Lequel est-ce ? » Elle parlait si bas que le petit homme dû se mettre sur la pointe des pieds pour l'entendre.


« Qui ? » Il la regardait sans comprendre.


« Celui que je dois gracier, ils se ressemblent tous... »


De Hani ouvrit deux yeux ronds et tourna la tête vers l'homme que le garde maintenait toujours à terre. Un autre avait ramassé l'enfant, couverte de poussière et les regardait sans savoir quoi en faire. « Qu'est ce que je fais pour eux ? »


« Répondez à ma question.» Sa voix sifflait d'une colère à peine contenue. Elle avait chaud sous son masque et elle était fatiguée d’être ballottée sur cet inconfortable trône.


« Le troisième à gauche. » Le cardinal s'inclina. « Et eux ? »


« Trouvez quelque chose qui fera réfléchir tous ceux qui seraient tenter de troubler la procession, enfermement, bannissement, flagellation publique, que sais-je ... Et apportez moi l'enfant.»


« Qu'est ce que vous... » Il n'osa pas finir sa phrase. L'interruption n'avait que trop duré. Il fit signe au garde de relâcher le père. Il pris l'enfant dans ses bras et s'adressa à la foule d'une voix forte « Ce qu'a fait cet homme est inadmissible. Nul ne peut forcer le choix de la Voix de notre Déesse. Il sera banni au Mont des Six où il devra expier sa faute. » La foule face à lui murmura, beaucoup étaient d'accord mais d'autres voix s'éleverent contre cette sanction. « Cependant, la faute du père ne peut retomber sur cette enfant innocente. Dans sa grande bonté, notre admirable prêtresse va l’accueillir parmi les élus de cette année. Puisse Sa voix bénir cette pauvre âme. »


Sur son siège, Leto irradiait, elle se tenait immobile, la tête levée vers le ciel. Autour d'elle la foule se mit à l'acclamer. Elle fit signe à ses porteurs de faire descendre le palanquin. Le cardinal s'approcha d'elle et lui remis l'enfant. La fillette ouvrit des yeux pleins d'admiration sur elle. Elle tenta de parler mais Leto posa son doigt sur sa bouche et se rassit sur son trône, l'enfant sur ses genoux. L'image déchaîna la ferveur de ses adeptes. Tous criaient à sa gloire.


D'un geste ample et calculé, elle désigna deux hommes parmi les condamnés. Le moment d'ordinaire important passa presque inaperçu. Ils furent sorti du rang et placés dans le cortège. Les autres condamnés furent raccompagnés par leur gardiens jusqu'à la prison, certaines exécutions devaient avoir lieu le soir même.


Le palanquin rentra enfin au temple sans que les porteurs ne faillissent, au plus grand soulagement de Leto qui commençait à avoir mal au cœur.


Une fois descendue, elle confia immédiatement la fillette à une de ses adeptes qui l'attendait et se dirigea vers l'autel. Une silhouette vêtue d'une longue robe blanche et pourpre, le visage dissimulé sous un large capuchon se précipita vers elle, saisissant sa traîne d'un geste vif pour la secouer de toute sa poussière. Une fois arrivé en haut des marches, l'inconnu poussa légerement Leto de façon à ce qu'elle se place au centre de l'estrade et commença à s'activer autour d'elle. Il rajusta quelques plis de sa robe, positionna avec art sa traîne sur les marches, redressa sa coiffe, s'assurant que les rayons du soleils qui traversaient le grand vitrail l’éclairaient d'un doux halo. Il prit une large fleur blanche dans l'un des vases qui ornaient la salle et la lui présenta. Leto poussa un long soupir et la repoussa.


« Tu me fatigues avec tes fleurs ! » marmonna-t'elle. « La sève va tacher ma robe. Maintenant disparaît, tu sais que tu ne dois pas rester ici ! »


Son interlocuteur lui fourra la fleur dans la main et disparu derrière l'autel d'un pas léger. Leto grogna en silence, nerveuse.


Les voûtes renvoyait le bruits des murmures impatients. Elle regarda autour d'elle pour s'assurer que tout était prêt. Les chœurs à sa gauche, musiciens à sa droite. Face à elle, les élus de l'année avaient été installés au bas des marches. Une douzaine d'hommes, de femmes et d'enfants levaient leurs yeux plein d'admiration sur elle. La fillette malade avait été allongée sur la pierre froide. Une vieille femme tira son châle et le posa sous la tête de l'enfant. Derrière, les chaises des officiels commençaient à se remplir. Comme elle s'en doutait, la vaste cathédrale n'était pas assez grand pour contenir tout le monde. Les portes normalement closes resteraient ouvertes cette année.


De Hani monta sur sa chaire et s'adressa une dernière fois à la foule. Leto senti son cœur s’accélérer dans sa poitrine. C'était bientôt son moment. Le seul qui comptait pour elle. Les chœurs commencèrent à chanter. Leto ouvrit les bras et pris une profonde inspiration. Elle lança sa fleur parmi la foule dévote et entama son chant. Sa voix, cristalline ampli la vaste nef, rebondissant sur les murs de pierre, roulant autour des colonnes et des candélabres. Elle chantait de tout son être, oubliant l'odeur lourde des fleurs, la sueur du cardinal, la poussière des rues, le visage grossiers des gens. Elle chantait pour elle, pour sa propre gloire.


L'un des hommes à ses pieds se mit à s'agiter. Il était vieux, les épaules voûtées. Son cou maigre surmonté d'un visage anguleux taillé par les années à travailler dehors lui donnait l'aspect d'un oiseau de proie. Il gardait son regard délavé fixé sur elle, cherchant à pénétrer la barrière de son masque.


« C'est pas possible...» Le vieil homme était troublé et marmonnait dans sa barbe soudain indifférent à la ferveur ambiante. « Pourtant j'la reconnais c'te voix... C'était quand ? Y'a des années, oui, mais j'oublierais point c'te racaille qui ont campés dans l'champ dl'a vieille Hulberte. L'avait été embobinée par leur menteries... Des artistes itinérants, mon œil ! Rien qu'des vauriens... Sont restés des semaines avant d'foutre le camps en laissant la fille du pauv' Gedar enceinte d'une de ces choses. La gamine s'est j'té dans l'fleuve. C'te voix... J'peux pas l'oublier. L'oiseau blanc ! » Il écarquilla les yeux, frappé par cette revélation. « T'es la fille d'un d'ces monstres ! » Sa voix se fit plus forte. Il se leva et commença à grimper les marches, la pointant d'un doigt accusateur, le visage déformé par la haine et le dégoût. « Tu peux pas être la Voix d'notre Déesse ! » Aussitôt un des garde le tira sur le coté.


La musique et les chœurs montèrent en puissance, couvrant les vociférations de l'homme tandis que la garde le maîtrisait. Le chant de Leto atteignit son point culminant alors que la lumière du soleil frappa l’arrière de sa coiffe d'or et de cristal, faisant jaillir sur l'assistance des milliers d'arc en ciels.


Les voix s’élevèrent, reprenant la prière avec ferveur et dévotion.


La voix de Leto trembla légerement, alors que l'homme tentait de s'approchait d'elle, mais elle continua à chanter, le buste droit, le visage tournée vers le public. L'odarque De Hani de l'autre coté de l'autel fit signe aux musiciens de jouer encore plus fort tandis qu'il donnait à ses adeptes de signal pour le lâché de pétales le fleurs. Une neige végétal commença a tomber sur la foule à son plus grand émerveillement. Des voix s'éleverent pleines d'excitation. A ses pieds, ceux qui avaient été choisis assistèrent a un miracle. L'enfant s’était levée. Elle tremblait sur ses jambes maigres mais se tenait debout, son visage baigné de larmes levé vers le ciel. Elle leva les bras comme pour accueillir la présence divine. Elle fit un pas, puis deux. Leto lui tendit la main alors que le soleil formait un halo doré tout autour d'elle.


« Les croyez pas ! C'est du chiqué ! Not' Déesse choisirait pas pareille engeance pour et'e sa voix ! » Un garde avait ceinturé l'homme qui se débattait toujours et le traînait loin de l'estrade. L'homme leva son poing en direction de Leto « Sale erreur de la nature ! J'vais leur faire voir que tu...» Il ne pu finir sa phrase, assommé par d'autres gardes.


Hypnotisé par la scène qui se jouait devant eux, personne n'avait vraiment prêté attention au le vieil homme inconscient qu'on porta jusqu'à une porte sur le coté de la nef.


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